Le premier incendie

Nous sommes dans la nuit du 29 janvier 1898. Le mercure est à -15°C.

Ce soir-là, les prêtres et vicaires avaient veillé jusqu’à 23 h dans la grande salle du presbytère. Soudain, vers 12 h 30, on crie « Au Feu! Au Feu! ». C’est l’échevin Grothé qui frappe avec frénésie aux portes du presbytère.

La première alarme est sonnée à la boîte d’appel 218. Les pompiers répondent vite mais, à leur arrivée, les flammes s’échappent déjà du toit de la chapelle. Une deuxième, puis une troisième alarme sont bientôt sonnées. De toute part débouchent rapidement des voitures de pompiers, des échelles et des agrès de toute nature propres à combattre l’incendie. Mais il est difficile de maîtriser le brasier en raison de la pression d’eau insuffisante. Pire, un tramway qui passait sur la rue Rachel sectionne deux boyaux!

Quelqu’un suggère au vicaire d’essayer de sauver les livres et objets précieux du presbytère. Des citoyens tentent de récupérer des articles de valeur dans le salon et le bureau du curé. On récupère argenteries, une partie de la bibliothèque, des tableaux et même un piano (!) qui est transporté à l’hospice Auclair. De la sacristie, le curé réussit à sauver cinq ciboires, quelques calices, l’ostensoir, plusieurs ornements précieux, incluant des chasubles, des chapes et autres vêtements liturgiques. Au bout de dix minutes, les pompiers interdisent l’accès au presbytère, l’incendie étant devenu trop dangereux. Les vicaires ont dû arracher le curé du lieu du sinistre malgré lui.

Le clocher fini par s’effondrer avec fracas sur la rue Rachel.

À 10 h le lendemain, l’incendie est presque complètement éteint, mais d’épais nuages de fumée s’élèvent encore des fenêtres béantes et noircies de l’église et de la chapelle. Les ruines, incluant le presbytère, sont couvertes d’une épaisse couche de glace. Les fenêtres sont défoncées, les poutres calcinées et divers débris gisent devant l’église.

à la messe du matin, le curé Auclair est inconsolable. Il a les larmes aux yeux et le sanglot dans la voix. Ses paroles sont hachurées par l’émotion. Monseigneur Bruchési, venu consoler et rassurer les paroissiens, n’échappe pas à l’émotion. Dans un silence lourd, sanglotant, il doit s’interrompre à quelques reprises. Pour encourager leur bon curé, les paroissiens chanteront le « O Secours, Vierge Marie! », « Pitié Mon Dieu, c’est pour notre patrie », puis le « Te Deum Laudamus » (« Nous te louons Seigneur Dieu »).

La source de l’incendie est incertaine. Plusieurs théories : la lampe du sanctuaire? Les fils électriques récemment posés dans la chapelle? Un cigare écrasé sur le plancher de la salle de billard où les prêtres et sacristains avaient passé la veillée? Quoi qu’il en soit, les dommages se chiffrent à 175 000$ (une valeur de 6.5 millions $ en 2023). Les assurances ne couvrent que 100 000$.

Tout est perdu.

Article de La Presse, 29 janvier 1898
Édition spéciale de La presse du 29 janvier 1898

Que vous reste-t-il à faire? Une seule chose : vous soumettre à la volonté de Dieu et dire humblement comme le saint homme Job, dont les Écritures vantent tant la sagesse : ‘Que votre nom soit béni!’ … Les desseins de Dieu sont impénétrables ; sur ces ruines fumantes, j’en ai la conviction, va s’élever un temple plus imposant, plus vaste, répondant mieux aux besoins de la paroisse.

Monseigneur Bruchési

(À suivre...)

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Rodrigue Escayola

Avocat

Rodrigue est avocat en droit immobilier. Les dimanches, il participe aux célébrations de façon très concrète: pour la sonorisation et la diffusion des messes.